Et si nous vous proposions un embarquement immédiat vers la planète Space Age, tendance du milieu des sixties ?
Le Space Age est une tendance brève qui dure de 1965 à 1969 environ, mais qui a fortement marqué son époque et qui continue encore de nous influencer aujourd’hui. Elle prend son origine en pleine Guerre Froide, dans le mouvement plus général de « l’Atomic Age », période de dissuasion nucléaire. La conquête de l’espace était au cœur des préoccupations du monde entier.
La mode du Space Age est très reconnaissable : coupes droites, palettes de couleurs particulièrement restreintes et formes géométriques. Elle ne touche d’ailleurs pas que le vêtement mais s’étend dans une pluralité de formes d’art, de design, d’architecture mais aussi de musique avec Space Oddity (1969) ou Life on Mars (1971) de David Bowie.
« IN THE SPACE AGE THE MOST IMPORTANT SPACE IS BETWEEN THE EARS » – Anne Armstrong
Une nouvelle société, plus prospère, émerge dans les années soixante, s’autorisant enfin une visibilité sur son avenir. Rêver en grand. Le pouvoir d’achat des trente glorieuses permet à cette nouvelle génération de consommer la mode différemment, en y voyant une part de plaisir, et plus seulement de nécessité.
Le monde assiste à une rupture générationnelle à travers le vêtement. Les jeunes des sixties, issus du baby boom d’après-guerre, cherchent à se démarquer de leurs ainés habitués aux tenues plus conventionnelles, telles que le New Look et le costume trois pièces.
De nouvelles coupes apparaissent, parmi lesquelles formes géométriques et simplicité sont assumées. La palette de couleurs utilisée est assez restreinte, souvent primaire, franche et saturée, ou bien simple contrastes d’aplats de noir et blanc. Les matières sont également novatrices : vinyle, plastique, métal, aluminium, coton épais, laine, ou toute matière qui donnerait un tombé intéressant et audacieux.
Il y a dans ces nouveaux designs un effet traditionnel, simpliste qui réside, l’épuration était mot d’ordre. Penser Space Age dit silhouettes proche de la robotique et des tenues de cosmonaute.
« LE VÊTEMENT QUE JE PRÉFÈRE EST CELUI QUE J’INVENTE POUR UNE VIE QUI N’EXISTE PAS ENCORE, LE MONDE DE DEMAIN » – Pierre Cardin
Parmi les créateurs les plus révolutionnaire des années 1960, Pierre Cardin fut l’un des premiers à rêver du futur de la mode. Sa vision conceptuel et visionnaire du vêtement le porte comme un des plus grand créateur du 20ème siècle.
Pierre Cardin reprends des classiques de la mode aux coupes plutôt simples, comme la robe trapèze ou la mini-jupe, pour en faire des pièces excentriques et façonnées de formes géométriques. Il élabore en 1954 sa robe-bulle signature.
Inspiré par l’espace, il dévoile en 1965 sa collection « Cosmos », mettant en avant des matériaux inédits, vinyle, plastique et caoutchouc, mais aussi des pièces jamais vues : coiffes à hublot ou combinaisons effet aluminium.
« A L’INSTAR DU CORBUSIER QUI A FAIT PÉNÉTRER LA LUMIÈRE DANS LES MAISONS QU’IL CONCEVAIT, J’AI VOULU FAIRE ENTRER LA LUMIÈRE DANS MES VÊTEMENTS. » – André Courrèges
Autre icône des années 1960, André Courrèges révolutionne le vestiaire féminin. Il créé des vêtements aux allures construites et graphiques qui témoignent de sa passion pour l’architecture et lui vaudront le surnom de « Corbusier de la couture ».
Le créateur propose une mode moderne et libératrice, fonctionnelle et active. Grace à lui les femmes découvrent le pantalon en 1963 et la mini-jupe s’impose en 1965. Les talons hauts deviennent des bottines plates, les tailleurs disparaissent pour les combi-shorts.
Dans son identité visuelle on retrouve des petites robes chasubles, des larges poches plaquées, des collants seconde-peau colorés, les célèbres lunettes blanches à fentes horizontales mais aussi des matières tel que le vinyle ou le PVC.
Une autre signature d’André Courrèges : la couleur blanche, omniprésente et utilisée à outrance, comme dans la célèbre collection Moon Girls de 1964. Ce sera selon lui, la couleur du futur. Sa petite robe blanche est devenue l’équivalente de la « petite robe noire » de Chanel.
« J’AI TOUJOURS FAIT EN SORTE QUE, MÊME EN EMPLOYANT DES MÉTAUX ET DES CHOSES UN PEU BIZARRES, LA FEMME SOIT BELLE, QU’ELLE SOIT UNE DÉESSE, COMME UNE EXTRATERRESTRE, COMME UN RÊVE. » – Paco Rabanne
A l’aube des années 1970, on peut retrouver l’Espagnol Paco Rabanne, surnommé « le plastiqueur de la mode » ou « le métallurgiste ». On tardera a lui attribuer le titre de couturier tant ses créations engendrent une rupture avec la mode traditionnelle.
Il créé ses vêtements à partir de matières industrielles, pièces de métal, rhodoïd, façonnées à l’aide de pince et chalumeau. Il monte lui même ses pièces à la main et impose sa signature grâce à des projets toujours plus expérimentaux, avant-gardistes et futuristes : métal martelé, fourrure tricotée, mailles de métal, robe en kit ou en papier, tissu luminescent.
Françoise Hardy portera une version de sa mini-robe trapèze iconique en 1966. Surnommée « la robe la plus chère du monde » elle est composée de mille plaquettes de neuf kilos d’or, trois cents carats de diamants, cinq mille anneaux d’or, ainsi que vingt-deux diamants monumentaux à l’encolure. La robe était gardée par quatre vigiles armés.
« GROUND CONTROL TO MAJOR TOM. TAKE YOUR PROTEIN PILLS AND PUT YOUR HELMET ON. » – David Bowie
La tendance du Space Age est en finalité très moderne et avant-gardiste pour son époque. Son aspect futuriste et utopique est représentatif de temps de révolution et de quête éternelle de renouveau.
Le Space Age réunit rêves, espoirs et optimisme dans une lutte pour l’émancipation d’un peuple. Il s’agit pour la première fois d’oser une mode nouvelle, synonyme de rupture génerationnelle.
Et malgré les décennies qui la sépare du XXIe siècle, cette tendance n’as de cesse d’entrer en résonance avec notre présent et continue de marquer l’art sous toutes ses formes.